Choisir son éditeur et le payer. Payer pour être accompagnée et lui laisser faire tout ce qu’on ne veut pas faire, tout ce dont on ne veut pas se charger, choisir la légèreté et ne pas chercher comment déposer un ISBN, ne pas s’enquérir d’un imprimeur, ne pas comparer leurs prix, leur laisser relecture et corrections, IVème de couverture, résumé et synopsis, biographie de l’auteure.
Payer encore pour être libre. Pourquoi l’autoédition ? Pour être son propre chef et vivre avec son temps. Payer pour avoir le droit de dire non, pour ne pas faire ce qu’on ne veut pas faire ou peut pas faire : devenir omniprésent sur le web, dans l’espoir de faire connaître son livre, lire tous ceux des autres et leur laisser des commentaires élogieux pour qu’ils vous renvoient l’ascenseur. Lire les blogs oui bien sûr, mais juste ceux qui vous accrochent un peu au hasard et uniquement quand vous en prend l’envie, ne laisser que des commentaires anonymes, juste parce qu’on a aimé, rester libre, libre d’aimer et de le dire en toute franchise, honnêtement, sans rien attendre en retour, ne pas pleurer auprès des amis un jour pour qu’ils laissent des commentaires à propos de mon livre sur Amazon…
La liberté n’a pas de prix ! La mienne chez Publishroom s’élève au montant que forment sur le chèque quatre petits chiffres côte à côte pour une formule e-book et exemplaires papier. Quatre, pas moins !
Mais quand tout est signé, lancé, payé, il y a la peau qui flambe. La peau qui rouspète à réclamer sur elle les ongles et leurs griffures. Ne se calme que sous leurs allers-retours. Comme un bébé qu’on berce qui reprend ses pleurs à peine le berceau immobilisé. La peau, l’enveloppe corporelle, la séparation d’avec la mère, il y a tout cela lorsqu’on évoque la peau. La peau qui a toujours fait autrement que les autres : allergie solaire du temps où ça n’existait pas. Elle chatouillait à rendre dingue mais en catimini, à la surface rien n’était visible du supplice qu’elle infligeait. Sous le soleil gris de Belgique il y a peu au point d’accuser encore aujourd’hui la proximité physique d’avec la mère. Une fois la Belgique quittée, le soi-disant coup de soleil guéri -un coup de soleil sur les poignets, les bras et les avant-bras, mais juste à la jonction entre intérieur et extérieur du bras, à la limite, la lisière, là où la peau est la plus fragile, la plus tendre, mais aussi la moins exposée, comment le soleil l’aurait-il dénichée ?- elle fait encore des siennes.
Il y a ce quelque chose qu’on n’assume pas : le fait de mettre au dehors ce qui devrait rester caché, occulté. Et toi, tu vas le mettre sur la place publique. Tu mériterais qu’on te fasse la peau. Et ce blog, n’est-ce pas vendre la peau de l’ours ? En vendras-tu un seul exemplaire ? Tes économies par contre fondront comme peau de chagrin. Tu ne sais plus quoi faire pour sauver ta peau ! Te protéger du soleil n’y change rien. Elle boursouffle, démange, se couvre de minuscules bosses rêches uniquement visibles du bout de tes doigts. Comme on tire à soi la couverture, tu te transformes en crocodile, une peau de dinosaure, tu auras de quoi te protéger, bien à l’abri en dessous, tu seras invulnérable aux flèches qu’ils voudront te décocher pour te fustiger, te faire regretter d’avoir tout déballé, exposé sur le trottoir ce qui ce doit de rester secret. Te voilà affublée d’une Peau d’âne qui te présente à présent aux yeux de tous comme une dégoûtante, une peau d’âne pour Annetadame. Peau qui pique, qui chatouille, qui irrite, qui alerte, peau lanceur d’alerte, peau cracheur de feu. Mais peau qui s’irrite beaucoup trop tard, plus de recul possible. Tu peux toujours te gratter, j’ai signé et je vais être publiée !