De la gratte. On disait ainsi. L’aura que ça donnait. C’était au fond du jardin. Le jour long de l’été. Et après on allumait des bougies. Les ombres comme des flammes sur ton visage et tout autour tes boucles noires. L’envie d’y plonger les doigts, le mouvement des tiens sur les cordes et la torsion que cela impose au corps, certains accords. Le pin n’avait pas encore été abattu et depuis les chambres on ne pouvait pas trop nous surveiller. Le toit du pin faisait barrage au regard des parents et nous, assis autour de toi. Celle à qui tu roulais de temps en temps une pelle, on disait sortir avec, se levait régulièrement pour t’apporter ta bouteille de bière. Ce n’était jamais moi. J’attendais mon tour sans rien laisser paraître. J’étais toujours trop jeune. Les étés se suivaient, les filles que tu embrassais changeaient, ce n’était jamais moi. Les autres garçons n’existaient pas. Toutes amoureuses du même ! Mais je serais morte plutôt que de l’avouer. Ton père musicien, c’est ce que tu disais. On ne l’avait jamais vu ici et tout le monde savait qu’à Paris, tu vivais seul avec ta mère. Toutes ces années, les longs mois et encore ceux du printemps sans te voir et je me disais cet été ce sera moi. Mais chaque été toujours les autres plus âgées. L’été 1981, la nouvelle est tombée. Tu t’étais suicidé. Ce ne serait jamais moi... Plus tard, quand j’ai hérité de la maison, c’est le premier nom qui m’est venu. Air Vad, ta guitare. La maison, lui faire porter à même ses blocs de granit rejointoyés quelque chose de ces étés-là, cela m’a semblé une évidence. Comme un soulagement.
Voix de Caroline Diaz à suivre sur son blog "Les heures creuses".
Je visionne à nouveau les quelques plans où j'apparais dans les films de Simon, une quinzaine de secondes floues. La petite fille avec sa jupe longue, son bandeau dans les cheveux courts, qui ...
Retrouvez l'écrivaine, Caroline Diaz, sur son site et sur son blog
Mon intention :
Pour continuer mon travail Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires d’une station balnéaire de la Manche. Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C'est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.