Bien obligée d’y repasser. Le livre que je voulais y acheter la première fois où je suis venue présenter mon livre n’était pas disponible, il fallait le commander. On m’avait laissé un message une semaine plus tard pour me prévenir qu’il m’attendait. C’est qu’il pouvait m’attendre, je n’étais pas pressée d’y retourner. Avec un peu moins de moralité, j’aurais même pu leur laisser la commande sur les bras… Mais on ne se refait pas, et j’avais juste décidé d’attendre que ma déception s’atténue, que s’estompent dans ma tête les paroles que le libraire avait déversées dans les oreilles d’Anaelle, la responsable de la communication chez Publishroom, véritable fin de non-recevoir en conclusion d’un réquisitoire contre les maisons d’édition à compte d’auteur. J’avais ainsi patienté jusqu’à me sentir moins sous le coup de l’émotion pour revenir à la librairie lui expliquer mon point de vue d’auteure auto-éditée. C’est que je ne tenais pas à me retrouver face à lui, bafouillant deux phrases puis subitement le bec dans l’eau, parce que mes arguments répétés cent fois juste avant de « pousser la porte » venaient brutalement de s’effacer comme un document Word sous l’effet d’un clic malencontreux. Et à la place sur le bout de la langue ou dans la tête, un rien, un vide, un blanc qui n’aurait cessé de se répandre…
Je suis donc arrivée un matin devant la librairie, Le Détour… A travers la vitrine, je vois que le libraire a été remplacé ce matin par une libraire. J’hésite à pousser la porte, suis à deux doigts de rebrousser chemin, de me laisser glisser le long de la rue des Juifs… Pas le courage de tout reprendre du début, présentation, les contre-arguments destinés en fait à son collègue… Il faudrait être rapide et précise dans mon explication, concise et efficace, bref tout ce que je ne suis pas dès que je suis naturelle. Et là il est trop tard pour m’inscrire à un stage préparatoire.
Une intuition me fait pourtant pousser cette porte, à moins que ce ne soit l’envie d’en finir avec cette librairie. Accueil très avenant, le livre commandé est arrivé, je donne mon nom, évoque évasivement le livre que je viens de publier, du bout des lèvres, une allusion tout au plus, et je sens bien que ma motivation a dû rester sur le trottoir quand je suis entrée. Mais la libraire me coupe : « Ah, c’est vous ! Voilà qui tombe bien. J’ai vu votre livre ce matin et j’avais bien l’intention de le lire… »
Je baragouine un truc du style c’est un produit régional et aussi que c’est de l’autoédition, je dis Publishroom c’est de l’autoédition. Je dis, sur un ton que je pense être celui de la plaisanterie, que je préfère le préciser, que je n’avance pas masquée. Oui, elle sait, elle sourit toujours et elle dit d’elle-même : on pourrait prévoir une dédicace[1].
Je me retrouve dehors dans le froid glacé de la rue où le givre recouvre tout et ne fond même pas en journée malgré un soleil radieux. Radieux comme mon sourire et dansant comme mon pas. Quel revers de fortune !
Du coup la phrase qui devait être la chute de l’article pour mon blog n’est plus de circonstances. Il va me falloir remplacer : « Le Détour, une librairie qui ne vaut pas le … » par quelque chose du style : « Le Détour, une librairie qui mérite un second tour ! »
[1] Soirée rencontre prévue le 17 juin à 18h au bistrot-restaurant en face de la librairie « Le Détour », organisée par la libraire qui a lu et beaucoup aimé mon livre, mon style d’écriture… Venez nombreux, m’entendre parler de mon livre pour la toute première fois de ma vie, je vous le promets, ça vaudra le détour… Hum !