en prolongement d'une photo par jour sur Facebook, Le nom qu'on leur a donné (Résidences secondaires), quand lire suffit à faire exister une photo. Trois portraits.
Tiers Livre | les cycles atelier d'écriture
automne 2022 | photofictions, une recherche image et récit
Atelier Tierslivre François Bon
Qu’est-ce qu’elle photographie, celle-là ? Elle veut ma photo ? Oui, on dirait. Pourtant le rideau me dérobe à son appareil fouineur. Elle en a après ma maison, on dirait. Fait-elle du repérage pour un éventuel cambriolage ? Quand on vit seule on finit par gamberger. C’est normal. Il faut sortir, il me dit, le médecin, vous n’avez pas envie, forcez-vous. Ça ne se fait pas tout de même de photographier la maison des gens ? Si ? On a le droit ? Je sortirais bien pour lui dire ma façon de penser ? Ouvrir ma fenêtre d’un coup et l’interpeler. Ça la ferait sursauter. Surprendre la photographe et provoquer le mouvement involontaire qui lui gâchera sa photo, la rendra toute floue. Barrée au développement, on la lui rendrait. Est-ce que cela se fait encore ? Mais ce n’est même pas une photographe, c’est une touriste qui clique sur tout ce qui l’entoure, sans distinction. Il y en a d’autres, plus belles, plus affriolantes à immortaliser. Elle n’aura que la moitié de ma tête, l’autre est cachée par le rideau. La moitié de mon corps aussi, l’autre est en dessous du bord de la fenêtre. Heureusement que je me suis habillée ce matin et que je me suis coiffée. C’est pour un repérage, j’en suis sûre, maintenant qu’elle photographie le nom de la rue. C’est lui qui a dû l’attirer. Rue des mines d’or. Qu’est-ce qu’elle croit trouver chez moi ? Ce n’est pas parce que mon mari a trouvé drôle de la nommer ainsi, notre maison… La Pépite, pour la plus petite de la rue, il trouvait ça drôle. Il y en a eu une plus loin qu’ils ont appelé Le Filon. Ils nous ont copiés, c’est sûr. C’est Roger qui a eu l’idée le premier.