Cette passion, d’où ça lui venait ? Pour qu’il en fasse un métier. Sa mère avait le vertige sur un tabouret. Son père, lui, c’était l’eau son élément. Toujours loin devant ou sous la vague. Être là et plus là, cela aurait pu définir le bonhomme. Avant qu’il achète le voilier et là il avait véritablement disparu. Alors non, pas de ses parents qu’il tenait son goût pour ça. Pas plus qu’il n’en avait reçu un pour son anniversaire. Il n’avait pas été initié par son père à le tenir à bout de bras lorsque la mer s’était retirée, sans emporter le vent. Et les fils s’emmêlant et le nez de l’oiseau se plantant d’un coup sec dans le sable dur, le bruit que ça faisait qui devait aller avec la peur que la chute l’ait endommagé, définitivement, et il fallait que le père démêle et tende à nouveau les bras au ciel pour qu’il remonte et vole. Il observait plutôt les autres, ceux qui en avaient reçu. Mais lui, non, il n’en avait jamais eu. Le journaliste venu l’interroger n’avait qu’à passer à une autre question. Le but était surtout de présenter l’expo, tout son travail actuel de photographe, des photos de parachutistes en plein ciel. C’est seulement plus tard en voyant cette photo qu’il avait compris. Ce qu’il voyait de sa chambre d’enfant chez ses grands parents, la villa en face avec son nom et c’était la seule vue qu’il avait. Et l’arrondi du haut de la fenêtre, un demi-cercle parfait, comme illustration du nom : Cerf-volant, à s’imprimer dans sa mémoire. C’était forme de parachute. Est-ce de là que ça lui était venu : prendre des cours de sauts et ensuite tout son travail photographique, photographier les parachutistes ? Est-ce qu’il aurait pu raconter cela au journaliste ? Est-ce que cela lui aurait suffi pour présenter l’expo ? Il aurait même pu lui proposer de lui montrer la photo… Est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Allez savoir.
écouter plutôt que lire
Mon intention :
Pour continuer mon travail Le nom qu’on leur a donné… Résidences secondaires d’une station balnéaire de la Manche. Une photo par jour, c’était sur ma page La vie en face ne vous déplaise | Facebook. J’avais volontairement laissé hors champ la villa. Parce que, avais-je écrit, « à regarder seulement la photo du nom de baptême, c’était comme regarder par le trou de la serrure et depuis ne rien voir, inventer, on pouvait ». C'est donc ce que je fais ici : pour chaque nom un bout de leur histoire dévoilé.