Il me reste les éditeurs normaux, les vrais… S’ils veulent de moi… Oh, j’ai décidé d’insister, et j’en ai sélectionné deux, oui moi aussi j’ai le droit de choisir, deux parmi mes préférés, mes chouchous… Quitte à jeter à la poubelle 10€ par manuscrit photocopié, relié et envoyé par la poste, sans compter les grandes enveloppes renforcées, j’ai tenté ma chance cette fois encore auprès d’Albin Michel et du Dilettante. Un peu exigeant ce dernier, mais quand on aime, on ne compte pas : il veut un manuscrit uniquement recto et du coup le calcul est simple, les frais doublent !
Alors je rêve, un éditeur, un vrai, qui s’occuperait de tout pour moi qui me consacrerait exclusivement à l’écriture… Que m’importent les droits d’auteur, je veux juste qu’on me laisse écrire en paix. Alors, me direz-vous, pourquoi pas les Presses du Midi ? Le patron a un nom auquel on peut se raccrocher : Monsieur Chevassut. Déjà on n’est plus dans le flou et c’est réconfortant. Certes il ne vous rémunère qu’à partir du 500e exemplaire vendu, nombre jamais atteint par la plupart d’entre nous. Il veut la propriété et l’exclusivité dans tous les ouvrages à venir. Au moins c’est clair, on n’aura pas à se poser la moindre question si jamais le succès est au rendez-vous ! Aucune décision à prendre sur la façon de mener sa carrière, je suis d’accord, qu’il prenne tout ce qu’il veut, si je n’ai à m’occuper de rien, qu’à écrire, vous dis-je ! J’attends son devis…
Parmi les toutes petites maisons d’édition, j’ai aussi mes préférées. A eux, on pardonne plus volontiers leur refus, conscient qu’elles publient très peu par an, les pauvres, alors un nouvel auteur, vous pensez bien ! Avec toutes ces librairies qui ferment… Et les jeunes qui ne lisent plus… Ou qui téléchargent… Qu’importe, moi je voudrais être éditée par Carnets Nord. Pour leur nom… Le Nord, ça me va et d’ailleurs mon livre ne raconte-t-il pas ma désertion du sud au profit du nord ? Ça me correspondrait assez, retour à mes origines belges. Carnets Nord, ça en jette ! Oui, rêvons un peu, osons le rêve… Comme je bénis le délai annoncé pour la lecture des manuscrits : trois mois de rêves autorisés ! Bien sûr, pour cette maison d’édition comme beaucoup d’autres, une absence de réponse équivaut à une réponse négative. Vous êtes offusqué ? Foutage de gueule, pensez-vous ? Je ne suis pas de votre avis. Je préfère « pas de réponse du tout ». Ils ne me répondront pas ? Quelle élégance de leur part et quel soulagement pour le destinataire ! Un silence poli est tellement plus sympathique qu’une lettre standard de refus pour cause éditoriale, moins sadique aussi, parce que tout le temps où vous tenez la lettre entre vos mains, et bien que vous ayez la certitude qu’elle sera une lettre type de refus, malgré cela, malgré tout, une saleté d’espoir tenace rend vos doigts fébriles et maladroits, augmentant encore le temps nécessaire à décacheter efficacement l’enveloppe…
Ok, ça marche, pas de réponse du tout, gardez le manuscrit, on va en rester là vous et moi !