Ma peau prend l’aspect de ce que je m’impose : être une passoire. D’où son aspect granuleux, rugueux. Elle rend les armes.
Elle devrait être enveloppe qui maintient à l’intérieur ce qui a pour fonction d’être dedans et à l’extérieur ce qui doit rester dehors. Elle est séparation et au lieu de ce rôle, je la détourne pour lui assigner celui de filtre plus ou moins efficace et plutôt moins d’ailleurs.
Elle s’affole et tente par ses démangeaisons, ses moyens du bord à elle, de rouspéter, de me montrer que je fais fausse route, moi l’inconsciente qui vais au-devant d’une catastrophe dont je n’imagine pas les conséquences, ce minuscule eczéma imperceptible à autrui n’est rien à côté de ce qui se prépare si je ne fais pas machine arrière, si je n’appelle pas Claire Abrieux à Publishroom pour lui dire que nous sommes quittes, j’accepte de perdre le montant total de la facture, mais do not publish, please, qu’elle mette au pilori virtuel un manuscrit tel qu’elle l’a reçu, dans son état tout aussi virtuel.
Il n’y aura pas de bûcher, soit, pas de rédemption par le feu pour un tas de feuilles de papier, un ou deux clics tout au plus, go to trash ou supprimer et peut-être dans le meilleur des cas une demande de confirmation que Claire veut bien effacer le dossier marqué supprimé.
Ma peau finira par retrouver son aspect lisse et au toucher mes doigts seront peu à peu rassurés et s’abandonneront à la douceur de ce velouté d’avant auquel ils étaient attachés. Do not publish, Claire, please !