Réinstaller l'écriture.
Pour le sommeil le corps déboussolé a trouvé sa solution : dans l'inconscience de la nuit il s'est réinstallé dans le lit occupé la veille à 1200 kilomètres de celui-ci. Il a remis la fenêtre à sa droite et effacer celle de devant. Pour l'écriture c'est autre chose. Elle flotte insaisissable autour du corps désemparé qui cherche quels gestes livreraient un passage. Les chiens et chats sont plus rapides à réinstaller leur corps dans les postures usuelles et propres à cette maison, ce canapé, cette disposition des meubles. Et la phrase sur le nomadisme m'ouvre l'obligation du carnet, son usage et c'est déjà une bonne chose de faite, le stylo qui court sur la feuille, c'est le premier pas pour réinstaller l'écriture dans le corps déboussolé et qui s'est éveillé à 1200 kilomètres d'ici et qui se retrouvent baigner sur la gauche dans une brume matinale qui ramène le grand Meaulnes et ses incompréhensions adolescentes, quand là-bas le soleil au lever ne floute rien, mais éclate les couleurs dans le salon dans une insolence de précision.
L'automne putride et doré qui avait saisi la ville nous remuait le cœur. C'est que le nomadisme rend sensible aux saisons : on en dépend, on devient la saison même et chaque fois qu'elle tourne, c'est comme s'il fallait s'arracher d'un lieu où l'on a appris à vivre.
L'usage du monde
Nicolas Bouvier
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