Sur proposition de François Bon, recopier deux fois le texte 3 et noter ce qui vient à l'esprit ce faisant.
Pour ce texte 5, j'ai choisi de différencier nettement ce qui est strictement le texte 3 initial de ce qui s'est rajouté en recopiant à deux reprises.
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L’arbre – son nom – sa famille – son espèce et alors tous mêmes feuilles rondes avec ce double renflement du pourtour en face à face et chacune partant de la tige avec sa sœur en parfaite symétrie – eucalyptus – son essence – son huile essentielle et les guérisons possibles – repas préféré des chèvres – sa place - ce que l’autre lui a laissé pour déployer ses branches – son tronc principal à 60° à défier les lois de l’équilibre et pousser quand même avec une autre branche principale qui résolument prendra force et puissance pour faire contrepoids, contrebalancer ce qui ne pouvait espérer grandir que tordu, mal foutu, d’une place que l’autre ne lui laissait pas et par deux fois basculer et s’écraser contre le sol et relevé de la main de l’homme. Et pour ses racines c’est pareil s’insinuer en terrain occupé et pour l’édition c’est pareil, écrire et publier c’est pousser ses racines en terrain occupé. Le peu de terre sur la roche de granit phagocyté par celles du voisin plus jeune plus cultivé aux activités plus attrayantes qui aura quelque chose d’intéressant à raconter sur lui sur son métier sur sa vie comme vivre en Patagonie avoir traversé l’Atlantique à la nage qui saura tout sur tout quand en soi juste un grand placard vide avec une toute petite étagère pour la mémoire à court terme pour un usage courant quand derrière les portes on a fait place nette pour préserver et garder de l’espace, ménager du vide, et de toutes ses forces s’agripper aux deux portes pour que du dehors ça ne se voit pas. Le ressenti a volé toute la place, les émotions et tous les trucs invisibles qui se passent au-dedans, là où personne ne peut aller voir, et être bien la seule à savoir les branle-bas de combat, les explosions, les fracas, les tranchées qui s’ouvrent sous les pas pour prendre le pas sur la mémoire qui, à espaces réguliers, fait du ménage, nettoyage par le vide comme on fait place nette pour rester fonctionnelle. Et les repousser ou ouvrir une entaille dans la pierre on n’y parvient pas et pactiser un temps pour se frayer un chemin à travers ce qu’on a pu ouvrir de part et d’autre, vers le haut ou le bas, repousser les parois. Comme enseveli vivant, des ongles griffer le couvercle de bois du cercueil, depuis le dedans de celui de Marie-Jeanne. Parler d’elle ou raconter son histoire, c’est griffer les parois de l’oubli à travers le couvercle du temps. Il faut longer le bloc granitique animé par l’espoir que le plus loin sera moins hostile et c’est épuisement par le bas, par le haut, tenir contre le vent d’ouest tandis que le voisin au sud ne protège de rien, le dévie et lui refuse existence. Les questions qui naissent, qui a dévié l’autre qui pourtant faisait figure de protecteur, lui a refusé existence, ces phrases anodines qui s’écrivent juste à décrire la situation réelle d’un fait botanique observable et tout ce qu’on peut lire derrière. Qu’on n’aurait pas pu écrire s’il s’était agi de personnes humaines. S’il semble mieux loti, lui à côté, son écorce pourtant se détache chaque hiver en lambeaux qui se recroquevillent dans ce qui survit de pelouse, grillée l’été, envahie par la mousse l’hiver de trop d’ombre et de pluies trop fréquentes. Parfois un vent du Nord pousse le tordu vers le majestueux, ses branches bruissant viennent effleurer l’autre ce qui affleure effleure qui s’écrit en sous-texte personnel à l’auteur et l’écrire ici ce serait l’exposer à la lumière et le réduire en poussières, quand l’impersonnel ouvrira au lecteur son propre sous-texte qui s’écrit en lui à mesure qu’il lit cette histoire anodine à propos d’un arbre qu’il n’a jamais vu et auquel il aura supplanté le sien propre, connu, aimé, croisé, de son choix et un cinquième texte à la lecture se sera écrit comme demande de pacification, affleure ici le souvenir d’un texte lointain du livre qui porte titre de ce que j’appelle revenir, texte de fiction à propos d’une réconciliation sur l’oreiller comme on dit et c’est vraiment réducteur une telle expression pour dire la main qui se tend subrepticement vers le corps nu allongé loin à l’extrémité du lit double et qui se retirera au moindre mouvement hostile sous le toucher de ses doigts ou poursuivra son exploration prudente et audacieuse avec au-dedans le cœur qui tape et résonne dans le silence de la nuit et un temps on pourrait y croire comme s’ils se donnaient la main, mais ce n’est qu’illusion. Bientôt tombe le vent du nord et tout reprend sa place comme on rentre dans l’ordre des choses, il y a celui qui est venu en premier et le second planté n’a eu de lumière et de terre que ce qui restait. Il y a le texte écrit en premier et celui qui a poussé dans son ombre, dans les strates de l’inconscient, et qui d’habitude ne laisse pas de trace. Alors écrire pour rétablir un certain équilibre, répartir mieux ce que chacun a reçu pour grandir, les remettre en lumière en racontant leur histoire et tant pis si trop d’ombre et de flou, forcer les couleurs, oublier les ombres et leurs parts sombres, et d’un coup d’interrupteur braquer sur eux les projecteurs et pour quelques pages devant la toile noire les faire advenir stars, les faire entrer dans la lumière, ces mannequins d’osier (Patricia Kaas).
Qu’est-ce qui s’écrit, lorsque ça écrit à propos d’un arbre au choix, l’histoire qui se raconte au fond ? Dans le sous-terrain, en sous-main.