Je voulais un blog où raconter mes retours en arrière comme ces maladies qui me tombent dessus à répétitions, moi qui ne suis jamais malade, depuis que j’ai décidé de publier « La vie en face… ne vous déplaise ». Cette peur qui m’étreint et que j’ai voulu taire, dompter en l’ignorant. Puisque je ne devais pas laisser affleurer le premier doute… Nous reviendrons dans un prochain article sur ce point, le premier doute... Mais voilà, elle s’est trouvée des alliées plus fortes que moi : une gastro qui m’a rétamée et, comme si cela ne suffisait pas, une grippe avec forte fièvre suivie d’une nouvelle gastro ! Je pèse à présent 52 kg, les ressorts du matelas me rouent de coups chaque nuit impunément, tant mes os s’offrent sans protection !
Mais qu’ai-je fait au bon dieu pour mériter cela ? Je voulais juste être lue !
- Le voulais-tu vraiment ? Totalement ? N’existait-il pas une infime part de toi qui était réticente ?
- Oui, bien sûr, une part, une toute petite part, celle qui reprend la voix de ma mère et qui dit :
« Ce qui se passe chez nous ne regarde pas les étrangers. Tu ne dois rien raconter de ce qui se passe à la maison ! »
Et moi qui n’écris que pour transgresser ! Dénoncer et passer outre cette omerta imposée dans l’enfance et qui me semblait incompréhensible… Candide, je faisais une confiance aveugle à ma mère : ce qui se passait à la maison ne pouvait être que bien, puisque tout y était de son fait, orchestré par elle et donc parfait. Pourquoi dans ce cas devait-on le cacher comme une chose sale et honteuse ? Je ne comprenais guère, mais bien sûr l’enfant docile et aimante a obéi.
J’ai obéi jusqu’au jour où l’écriture s’est offerte comme une voie de libération sur laquelle ma plume a couru. L’exaltation de la délivrance l’animait. Est venue l’envie de partager, et pire : d’appeler des témoins… Sacrilège suprême, écrire en secret, passe encore… Et c’est alors qu’ « Une vie normale » est devenu un livre lu !
Malheureusement je n’avais pas pensé à tout et prévu ce qui allait arriver. Comme avec ces éditeurs où l’auteur doit se charger lui-même de faire connaître le livre, a commencé l’épineux parcours, pour la grande timide que je suis, d’avertir la presse locale en vue d’obtenir un article, d’aller démarcher les libraires du coin pour leur proposer des séances de dédicaces.
Mais le pire était encore devant moi et il m’a prise par surprise : parmi mes lecteurs, beaucoup de gens qui me connaissaient, sont aussitôt venus me parler de mon livre ! Quelle horreur ! Même si la totalité de ceux qui sont venus m’aborder s’est montrée élogieuse, je n’avais qu’une envie : fuir ! Les faire taire. Où aurais-je pu préciser que je voulais certes des lecteurs, beaucoup de lecteurs, mais avant tout des inconnus, des lecteurs qui lisaient et c’est tout, des lecteurs qui aimaient ou pas, qui étaient contents de leur achat ou pas, mais en aucun cas des lecteurs qui venaient gentiment me taper sur l’épaule pour me parler de « Ma vie normale ». C’était la mienne après tout ! Un peu de discrétion que diable ! Quel manque d’éducation aurait dit ma mère… Ah, si vous aviez été élevés par elle, on n’en serait pas là ! Elle vous l’aurait appris, elle, que ce qui se passe chez les autres ne nous regarde pas et vice versa. Non, n’insistez pas ! Est-ce que je vous en pose moi des questions ?
Facebook m’aurait parfaitement convenu, ce système de cliquer sur « j’aime », et rien de plus, c’était pour moi, vous dis-je… Dommage il y a 20 ans, ça n’existait pas !