C’est le moment de parler du livre de Julia Cameron : « Libérez votre créativité »...
Tissu de niaiseries ou guide précieux qui fonctionne ? Les deux déterminants sont exacts, aussi étrange que ça puisse paraître. Certes Julia adopte un ton qui convient aux lecteurs américains, bon enfant, simpliste et répétitif. Elle se rapproche un peu parfois de ce style de théorie, qui connaît un certain succès actuellement et affirme par exemple que l’univers s’intéresse aux gens heureux. Plus tu es heureux, plus l’univers t’envoie de trucs bien. Ce n’est autre que la pensée magique ! Soit un truc dont l’enfant se débarrassera en grandissant si tout se passe bien… Et voilà que des auteurs écrivent des best-sellers en nous la recommandant à nous, adultes ! Commande à l’univers, disent-ils, et tu recevras. Commander quoi, direz-vous ? Tout. Tout et n’importe quoi, une place de parking, des sous, un nouveau boulot, un amoureux grand, mince, aux yeux bleus… Stupide, me direz-vous, qui pourrait croire à un truc pareil ?
Le livre de Bärbel Mohr, « Comment passer commande auprès de l’univers », je vous assure, est agréable à lire, une succession de réussites décrites, qui vous met malgré vous de bonne humeur. En fait le secret réside dans la confiance que vous faites à l’univers ! Traverser la vie en commandant, recommande l’auteur, puis ne plus y penser, parce que vous avez confiance en l’univers qui va s’occuper de tout pour vous. Alors si vos chances de trouver une place de parking à cette heure de pointe sont de 10%, le fait de commander une place en arrivant en toute confiance, et même si vous ne l’obtenez pas cette fois, mais que vous gardez confiance en vous disant que ce sera pour le lendemain, vous met dans un état d’esprit bien différent que si vous passez une heure à fulminer contre le maire qui ne pense pas à construire davantage de parkings, votre boulot qui vous oblige à vivre dans cette ville surpeuplée, votre patron qui vous fait travailler tard et rentrer chez vous lorsque tous les habitants de l’immeuble sont déjà à la maison, vous contraignent donc tous les soirs à vous coltiner à ce problème de trouver une place de stationnement.
Ce genre de théorie fonctionne, parce que quelqu’un qui a la conviction que l’univers répond à ces demandes en permanence éprouve un sentiment de confiance qui rejaillit autour de lui. Aussi recevra-t-il davantage de propositions intéressantes dans différents domaines, amitié, profession, amour… Qui préfère la présence de Grincheux à celle de Joyeux ? Qui sera embauché en priorité de celui qui convainc le patron qu’il se débrouillera de tout et qu’il assurera ou de celui qui peut-être, bien plus diplômé et formé, sera timoré et transmettra à son interlocuteur son manque de confiance en lui ? Il en va de même dans l’édition où un journaliste déjà en poste, convaincu de sa valeur et de son bon droit a davantage de chance d’être publié.
Eh bien Julia Cameron se sert du même concept. Au lieu de perdre votre temps à douter de votre talent, à craindre de ne pas rencontrer le succès, à redouter les critiques, dit-elle à ceux qui souhaitent être créatifs mais restent bloqués, travaillez ! Seulement cela, travaillez ! Sous forme de prière ou de quelque chose de spirituel comme :
« Je m’occupe de la quantité, Dieu de la Création, occupe-toi de la qualité. »
En gros la qualité n’est pas mon problème en tant qu’artiste. Quelqu’un s’en charge pour moi, tandis que mon job est de bosser. Et bien sûr Julia pense que travailler son art sans relâche paie forcément un jour ou l’autre. L’artiste s’améliorera et tout ira bien. Bien mieux que s’il se perd dans un océan de doutes qui le paralyseront. Elle recommande de ne pas laisser passer le premier doute, celui qui traîne à sa suite une armée de tireurs d’élite surentraînés. On imagine sans peine le carnage final et le blocage définitif de toute velléité de création.
Depuis que je suis ses recommandations, j’écris ! Du soir au matin j’écris. De tout, tout ce qui me fait envie sans me préoccuper de la direction que je donne à mon travail, refusant une certaine logique qui voudrait que je termine d’abord un livre avant d’en entamer un deuxième ou un troisième. Je suis animée de mille idées, mille envies d’écritures très différentes. Même des histoires d’amour à l’eau de rose : un pied total ! Si je n’étais pas allée voir dans cette voie, je ne l’aurais jamais su, à quel point j’aimais cela !
Reste à écrire la réponse de Julia à ce monsieur qui lui dit qu’il aimerait apprendre à jouer du piano mais qu’il est trop tard pour cela, qu’il est trop vieux, quel âge aura-t-il quand il saura jouer ? Et elle répond le même âge que si vous ne vous y mettez pas !