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[…] « Demain j’écrirai à propos de l’auteur, de l’homme qui anime les rencontres littéraires de Carolles, avais-je écrit sur mon blog. »
Demain, c’était hier. Aujourd’hui, c’est après-demain. Bien malin celui qui sait ce qui s’écrira le lendemain… Folie présomptueuse que l’on paie toujours.
Ce cahier est trop beau. Déjà au départ, vierge, sorti du papier cellophane, il était mal parti. Plus tard, les dessins réussis et les textes importants que les jours y déposent, fruit d’un hasard heureux, le figent et l’enlisent dans une obligation morbide : celle de poursuivre sans démériter, rester dans une telle veine. Déveine…
Demain et après-demain sont passés, reprendre le stylo et raturer pour sortir de l’impasse, se forcer à le faire, reprendre tous les droits comme on désherbe, regagner le terrain un temps déserté. Ecrire du moche, écrire pour rien, pour délier le mouvement des doigts fourbus de trop de défrichage, écrire du dur, du brut, du nu quand tous autour restent habillés, écrire comme fusent des balles insouciantes de la cible, écrire pour moi, écrire pour du beurre, écrire ce qui jamais ne sera relu, écrire pour sentir qu’on n’est pas mort, pas encore, écrire et dire merci pour ça, ce moyen de dire, de raconter, de parler, de communiquer, d’exprimer quand les autres ne m’étaient pas permis, pas possibles. Merci de ces incapacités qui ne m’ont pas tuée, pas plus qu’elles n’ont tué l’écriture en moi.
Il faudra trouver une fin à mon livre sur le bonheur. Revoir aussi les remerciements…
Remercier même pour cette promotion qui me pèse, remercier de ce qu’elle m’a permis de découvrir sur moi et sur l’humilité aussi. Je cherche cette fin et elle n’apparaît pas. Que faire ? Peut-être juste vivre et la laisser émerger un jour comme pour la fin d’ « Une vie normale »...
Elle s’est écrite plus tard que le reste, bien plus tard. D’un jet, dans un bistrot vide, un dimanche. Le jour où la radio a annoncé la mort de Lady Di. L’amant libanais debout en contre-jour devant la fenêtre de la chambre d’hôtel où je viens de dormir seule. Lady Di est morte cette nuit. C’est ce qu’il m’annonce en premier, avant de me dire qu’il doit rentrer plus tôt que prévu auprès de sa femme… Mon propre alibi me contraint à ne rentrer qu’à la fin de l’après-midi. Commence l’attente. J’attends que la journée passe. Toutes ces heures à tuer, à n’exister pour personne, obligée de m’exclure du monde, sensation de ne plus lui appartenir, de n’être nulle part. Je reprends ma voiture et roule au hasard. Un bistrot sur le bord de la route. Entrer dans ce bistrot vide comme au couvent pour une retraite... Dans l’effondrement de ce matin-là, c’est sur la mort du maître de danse que j’ai pu écrire et seulement à ce moment-là, un texte sorti d’une traite, tout réécrit d’avoir été digéré dans le plus grand secret, l’œuvre du temps et du silence avait été accomplie, je n’ai plus eu qu’à le coucher sur papier. Peut-être en sera-t-il de même pour la fin de ce livre-ci qui doit clore le thème du bonheur et de la gratitude, et qui me semble primordiale.ut-être en sera-t-il de même pour la fin du livre que je relis.