« La fausse porte » de Xavier Houssin, aux éditions Stock
Les choses avaient pourtant mal commencé entre lui et moi. Stupéfaction en le sortant du sachet en papier tout fin où la libraire venait de le glisser avec une rapidité qui aurait dû m’alerter : son bandeau beige était tout déchiré et sa tranche blanche était maculée de grosses traces de doigts noires, ce livre commandé à la librairie plutôt que sur Amazon ou à la Fnac, histoire de renvoyer l’ascenseur aux libraires qui présentaient mon livre…
Colère envers le diffuseur des éditions Stock… Je me raisonne, me dit que je détourne sans doute mon indignation plutôt que de la diriger vers la libraire qui vient de glisser prestement ma commande dans un emballage avant de me la tendre, histoire de n’en point avoir avec moi, d’histoires, j’imagine… Comment peut-on traiter un livre de la sorte ? Et le vendre, même si on l’a reçu en l’état ? Pour peu ça éteindrait la joie que j’éprouve à l’avoir à moi et à l’imminence de la découverte à laquelle il m’invite.
En attendant le livre commandé, j’étais allée lire les commentaires qu’il avait sur Amazon. Etonnement : il n’y en a qu’un et plutôt mauvais !
Voici mon avis :
Excellent livre qui nous convie à une délicieuse traversée de l’enfance dans les pas d’un petit garçon étrange, qui a une présence particulière au monde et qui interroge son univers, ses origines, son environnement familial et éducatif de son regard légèrement décalé qui fait tout l’intérêt de ce récit. D’une écriture délicate, juste, sans émotion, sans pathos, épurée avec une succession de phrases courtes (dont se plaignait l’auteur du commentaire) qui mêlent à la fois des faits brièvement décrits au plus juste, voire énoncés, et des réflexions dites ou entendues au même instant dans une cadence parfaite.
Captivée par ce roman, je me suis retrouvée toute étonnée d’éprouver tant de bonheur et d’émotion à la lecture de ce livre sur l’enfance d’un jeune garçon qui n’est pas particulièrement un thème qui m’intéresse. C’est donc là tout l’art de cet ouvrage que j’ai dévoré et qui m’a beaucoup émue, alors qu’il est écrit dans un style volontairement épuré et neutre. Certains passages m’ont étonnée par la vision qu’a le narrateur, qui est un jeune garçon, de ce qui l’entoure, ainsi que par sa façon d’appréhender la nature dans une présence telle qu’elle rappelle celle d’un poète.
Quand j’ai commencé à rédiger cette chronique, il me restait deux pages à lire pour finir ce livre. Je voulais l’écrire dans le feu de l’enthousiasme et aussi, c’est plus fort que moi, en garder rien qu’un tout petit peu pour après, après les devoirs, après les obligations, les contraintes, les fiches de lecture, garder deux pages à lire après la rédaction de ce commentaire auquel je m’étais moi seule astreinte.
Voici donc que je termine réellement la lecture de ce livre. Et je découvre qu’il se termine par la réponse que donne le petit garçon devenu adolescent à son ami qui lui demande quel métier il choisira plus tard. « Un jour, plus tard, tu sais, j’… » Je ne peux pas vous en dire davantage, des fois que vous voudriez le lire. La fin du livre confirme ce que je venais d’écrire juste avant… Nouvelle surprise !
Dans les remerciements, l’auteur cite Laurence Tardieu… Bien sûr, tout me parle dans ce livre jusqu’aux remerciements.
Extrait : « […] La Fausse Porte est une ouverture dans le vieux rempart qui date du temps des Romains. Maman m’a raconté. On ne dit pas qu’elle est fausse parce qu’elle n’existe pas. Mais parce que ce n’est pas la grande porte, la porte principale. Par la Fausse Porte, on pouvait entrer en ville tard ou la nuit. Il suffisait de dire son nom. De se faire reconnaître. D’expliquer simplement que l’on rentrait chez soi. »
A la lecture de ce roman, j’ai eu l’impression de reconnaître quelque chose, comme lorsqu’on revient dans un endroit connu et quitté depuis longtemps : l’enfance.