A l’instant-même où l’on bouge, de Vera Seret.
Je bougeais donc, je m’agitais plutôt… Je m’échinais à tenter de comprendre l’intérêt que pouvait présenter la plateforme monbestseller.com. Elle permet à un auteur de mettre en ligne gratuitement et de faire lire son livre. Il reçoit ainsi des retours via des commentaires. Ce système calcule aussi la progression du nombre de lecteurs et recense les notes qu’ils donnent. Comme tout cela est gratuit pour les auteurs comme pour les lecteurs, je souhaitais évaluer les bénéfices que chacun pouvait en retirer, quand je suis tombée dans « A l’instant-même où l’on bouge ».
Le titre du premier chapitre, c’est BANQUISE. Voici la première page :
« Elle avait une banquise à l’intérieur qui l’empêchait de sentir l’amour des gens pour elle. Il y avait une angoisse glaciale qui coulait dans ses veines, qui l’engourdissait de tout avenir et de toute chaleur humaine. Quelque chose de profond, de profondément cassé, qui au moment de son arrivée dans la vie n’aurait pas été accueilli pour grandir comme il fallait. Une carence comme une violence, un retard impossible à combler après. Un manque, un vide d’existence. Un trou noir d’amour qui l’éteignait de dedans, lui bouffait toute confiance, lui figeait tout élan, tout espoir et envie de vivre sans le savoir. »[…]
J’ai été littéralement happée par ce roman dont l’écriture très particulière oscille entre prose et poésie avec un joli travail sur la similitude des mots. C’est très beau phonétiquement et ça sert parfaitement l’intention du livre de faire vivre au lecteur l’état intérieur de l’héroïne. Voilà un roman qui présente du dedans l’état émotionnel et douloureux de cette jeune femme qui est danseuse et qui s’enferme peu à peu. Ce livre raconte la sortie progressive de son enfermement et son sauvetage.
[…] « Se forcer.
A sortir de son canapé, à aller jusqu’au lit. A marcher et refaire un mètre soixante-quatre. Regrandir. A penser sans devoir en souffrir. A pleurer et pouvoir s’arrêter. Puis manger sans devoir en grossir, se trahir, se souiller.
S’observer.
Et ne plus se voir nulle, nuisible, gnagnagna !
Prendre systématiquement le contre-pied de ce qu’elle entend, à chaque voix.
S’entraîner.
Sans relâche à lâcher les jugements qui lui percent les tympans, ont vitriolé ses sourires d’enfant. S’exercer sans pitié au bonheur.
S’amuser.
Avec discipline à se contredire de tout cœur. »
Je n’avais encore jamais lu un texte qui exposait si bien les sensations de souffrance morale et physique d’une personne qui va mal psychologiquement ainsi que tout ce qui lui passe dans la tête. C’est aussi novateur que réussi. Avec aussi de jolies citations dont une de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »
Si ce livre n’éveille pas l’intérêt d’un « vrai » éditeur, c’est à désespérer de l’édition.
C’est triste à me donner envie de créer ma boîte. J’y éditerai :
Marie-France Clerc[1], Marie François-Griffon[2], Marie-Edith Quoniam[3]… Que des filles dont j’adore l’écriture et les livres !
Que des Marie ! Une maison d’édition vouée à la vierge, alors ?… Idée farfelue mais plaisante. Et comme dans le christianisme la mère de la vierge s’appelle Anne, j’y éditerai aussi tous les miens[4] !
[1] Cinq zinnias pour mon inconnu. https://mariefranceclerc.com/retours-sur-cinq-zinnias/
[2] T’écrire encore. https://livre.fnac.com/a9479966/Marie-Francois-Griffon-T-ecrire-encore
[3] Aime-moi jusqu’à la fin de ma vie… https://www.amazon.fr/Aime-moi-jusqu%C3%A0-fin-vie-r%C3%A9sistance-ebook/dp/B01M3NTMKS
[4] Une vie normale / La vie en face… ne vous déplaise. https://livre.fnac.com/a10206635/Anne-Dejardin-La-vie-en-face-Ne-vous-deplaise