Le visage de ma mère. C'est ce qu'il avait ramené avec son post. Parce que l'auteur reconnu qui avait à sa botte plusieurs terrains de prédilection pour créer, en avait parlé dans une publication Facebook, et tout ce qui était remonté à la surface et flottait en plus du visage de ma mère comme des corps flottants - son titre à elle reconnue aussi - que fermer les paupières ou les garder ouvertes, rien ne disparaissait, ça restait comme en surimpression, ça demandait à être écrit, comme tant d'autres textes et tant pis si ce n'était pas le sujet actuel ni du blog ni de la page Facebook où tant d'autres projets attendaient sagement en file indienne comme en Allemagne ou en Suisse, les cheminées, les mille autobiographies possibles... La théorie des ensembles ramenait le visage de ma mère, quand l'écrivaine qu'on appelait désormais romancière avait ramené le visage de son père et ce qu'on appelait le petit œil pour celui qu'il avait alors, lorsqu'il était parti loin de la table familiale tout en leur laissant son corps attablé, les romans qu'elle s'était imaginée qu'il inventait. Pour mon entrée en sixième année, des cours qui avaient eu lieu au lycée (collège en France) destinés aux parents et ma mère après sa journée de travail reprenant la voiture le soir pour y assister et plus tard me faisant les cours avant l'heure pour être bien certaine qu'à la rentrée je comprendrais, et le plaisir si vif que j'avais éprouvé ensuite en classe à hachurer ou à entourer en couleurs et les plus beaux croquis étaient les ensembles au nombre de trois, des patates comme il disait, l'écrivain, avec la partie illustrant l'intersection de deux ensembles et la toute petite au milieu, si restreinte au cœur des trois ovales - quand pour les dessiner bien réguliers, des plaques de plastique prédécoupées existaient et juste de la pointe du crayon suivre les bords - le privilège d'appartenir aux trois ensembles à la fois quand pour certains éléments ce serait condamnation à rester en dehors, être communs à un tout seul et ce petit pincement au cœur comme compassion et bémol à la joie prégnante de cette activité, et bonheur lorsqu'on pouvait du crayon en couleur en unir au moins deux de ces ensembles le pouvoir de réparation et de puissance que ça vous donnait, ma mère s'assurant que je comprendrais, me mâchant le travail, mettant toutes les chances de mon côté, à cause de ce qu'elle avait choisi pour moi, me faire sauter une classe, entrer directement en deuxième année (CE1 en France) et comprendre seulement maintenant qu'avec la théorie des ensembles, c'était une fois de plus me transmettre sa peur que je ne comprenne pas, une peur que j'ai faite mienne jusqu'à la phobie. Lorsque deux sens viennent à l'esprit et ne pas pouvoir choisir si ça veut dire ça ou plutôt ça et c'est la panique, l'impression de ne pas comprendre, de comprendre moins bien, moins vite, face aussi à ce qui échappe au réel, ce qui n'est pas vrai, qui ne s'explique pas, la science-fiction, le surnaturel, ce qui ne se peut pas... Et un jour pourtant oser l'écrire.
les cycles précédents - le tiers livre, web & littérature
Les ateliers d'écriture de François Bon
le tiers livre, web & littérature