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annetadame

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Ce blog est né de l'envie de partager mes états d'âme durant la promotion de mes deux derniers livres publiés, l'autodérision comme une arme... Aujourd'hui il est une porte entrouverte sur mon laboratoire d'écriture avec des textes issus directement de mon carnet du moment et qui trouveront place dans un livre en cours ou pas. Merci de votre passage.

litterature

Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature
Portes/franchir

Porte 1 :

Franchir les portes du sommeil et piétiner dans un rêve mosaïque. L’écrire. Franchir le périlleux de cet insaisissable. Se demander pourquoi on le fait alors. Ce que cela amènera, si c’est écrire pour écrire. Ecrire quand, en dehors du rêve dans l’éveil, c’est jours de tempête. Ecrire comme tenir la barre et ce serait pour aller nulle part, juste cela, ne pas abandonner, franchir la vague qui lève au ciel le nez du voilier, massera toute la peau de la coque, mais oublier celle qui forcément suivra quels qu’en soient les dégâts. Il y a devant moi sur nos tables d’écriture un amas de petits objets avec pour chacun un morceau de papier cadeau et je suis chargée de les emballer, c’est ainsi que commence mon rêve, un rêve sans queue ni tête[1]

 

 

Porte 2 :

Porte franchir porte de chez soi où peut s’éveiller la violence et pleuvoir les coups et dégringoler l’escalier à clair voie baisser la tête pour éviter l’enchevêtrement des poutres et des planches des combles c’est traverser une forêt d’arbres morts depuis longtemps et tous inclinés dans un sens et appuyés contre ceux dans l’autre sens pour la charpente et leurs ombres démultipliées par la lueur maigrichonne prodiguée par l’ampoule suspendue nue et pousser la porte de méchant bois, parce que pour l’arrière de l’atelier de menuiserie on ne gaspille pas le bois noble, et pour les armoires c’est pareil, les parois latérales des buffets c’est du sapin tout fin qui sera teinté couleur chêne pour que ça ne se voit pas, l’économie qu’on avait dû faire, alors cette porte-ci c’est pareil et elle frotte dans le bas, il faut lancer le bout du pied pour l’ouvrir, parce qu’elle coince d’un coup de rabot qu’on ne prend pas le temps de donner, parce que c’est trois fois rien et ce rien le remettre à demain, pas d’urgence, pas comme les pas qu’elle précipite, il faudra encore traverser la cour intérieure et tambouriner à la porte de derrière, celle de la cuisine, de la maison de ses parents,  mais elle peine à débloquer la porte de son pied nu avec l’enfant qu’elle porte dans les bras pour le préserver de l’homme qui a bu qui ne supporte pas l’alcool que l’alcool rend violent Lou qui est si gentil quand il n’a pas bu, Lou, un mot d’amour qui revient sur ses lèvres, une fois que les ecchymoses ont disparu.

 

 

Porte 3 :

Porte fermée, qu’on n’ouvre pas, porte privée, qu’on garde fermée, quand à côté l’autre est de grande largeur, vitrée sur toute la longueur, toujours ouverte celle-là, on entre comme on veut, juste à la pousser de la main, du moins pendant les heures d’ouverture, de huit heures à midi trente et de quatorze heures à dix-huit heures trente, et le samedi matin aussi, ouverte, et ils ne s’en privent pas, poussent la porte juste pour bavarder avec lui en wallon qui ne se parle plus beaucoup mais avec lui ils peuvent commenter le dernier match les titres du journal La Meuse et un peu de politique, ouverte la porte de l’officine, même si en dehors de ces horaires il faut sonner à la port à côté, sonner, sonner, et personne ne répond, avec à gauche dans le mur une sonnette à sonner dans le vide, parce que c’est fermé, personne ne répondra, ne viendra le dire, c’est fermé, la réponse est dans le silence de la porte fermée, parce que les urgences c’est toujours de l’aspirine ou des protections hygiéniques, sauf les nuits de garde, franchir la porte privée ils pourront, attendre debout dans le hall d’entrée sous le halo de la suspension pendant que le père disparaît par la porte du fond en bois clair avec dans ses mains l’ordonnance.

 

 

Porte 4 :

Portes de la maternité éclairées et visibles de loin dans le soir qui tombe tôt en ce mois d’octobre, montrer patte blanche, tendre le test PCR, entrer à la maternité c’est maintenant commencer par franchir le barrage à cause du covid, quand franchir pour lui c’est naître, éjecter le bouchon muqueux, fissurer la poche des eaux, naître ou pas, franchir, dilatation qui ne se fait pas, contractions qui écrasent le corps et la tête, les cris étouffés d’une voix bien connue, naître ou pas, franchir, jours de retard, le corps du dehors, le corps portant assis sur un ballon, et ça saute et ça secoue, vers le haut, vers le bas, haut, bas, franchir comme passer outre une porte fermée, puisque naître il faudra bien.

 

 

Porte 5 :

Portes limites, frontière entre ce qui est permis, et ce qui ne l’est pas, franchir, enjamber l’interdit, être en plein dedans, tempête, injures, cris, alors que bébé est né, trouver sa place, les portes qui claquent, les silences plus lourds que les mots massues, ceux qu’on n’aurait pas dû dire, qui s’envolent dit-on, ceux qu’on prononce quand plus rien ne peut être dit, qu’on ne s’entend plus, crier alors il faut, hurler, comme un chien comme un loup, montrer les crocs, retrousser ses babines, gronder, menacer de mordre, lâcher des mots coups de poing, des mots dits pour tuer, des maudits soient-ils, des mots qu’on ne pensait pas dira-t-on, qu’on n’aurait pas dû dire, où vont-ils se poser, ces mots boumerangs qu’on se reprendra dans la gueule, qu’on se reprochera d’avoir laisser franchir nos lèvres, des mots qui ne se dissipent pas, fumée qui se change en plomb, des mots qui s’inscriront dans la chair comme encre de tatouage et c’est indélébile, des mots qui resteront gravés, isolés, seuls, sortis du contexte de l’accouchement proche, de l’accident, du traumatisme ou de ce qui l’a réveillé et on n’était plus soi-même, on était devenu un autre qui parlait pour nous, proférait des horreurs, donnaient l’illusion que les balancer au dehors, les laisser franchir la frontière soulageraient ce qui faisait douleur au-dedans, souffrance si grande qu’elle avait occupé tout le terrain jusqu’à manger le centre et toute la périphérie, que soi-même on avait disparu, gommé, effacé, et juste elle au-dedans, avec la solitude aussi, les mots dont on se demandera plus tard où ils sont allés se perdre ou se coller une fois franchie la limite de ce qui est permis de se dire entre deux personnes qui viennent d’avoir un bébé ou juste qui se sont aimés ou qui s’aiment, est-ce qu’ils sont comme des pavés jetés derrière les barricades à cogner à tenter de démolir, est-ce qu’ils s’infiltrent sans que ça se voit comme l’eau de mer dans les fondations de la maison construite trop près à ronger grain de sable après grain de sable jusqu’à ce que l’édifice qui semblait si solide bascule d’un coup dans le vide comme château de cartes, se faisant fi du béton du fer forgé du ciment, gagnant la partie sur tout ce qui lie qui fait tenir ensemble qui solidifie.

 

 

Porte 6 :

Porte, repousse, porte, défonce, porte ouverte qui se laisse défoncer, porte avec serrure sans clé, porte qui ne ferme pas, dont on n’a pas la clé, porte qui pourrait fermer, porte à laisser ouverte, parce que née porte d’intérieur, ouverte parce que le danger c’est à l’extérieur, porte du dedans, le danger vient de sa clé, il ne faut pas la tourner, porte fantoche, illusion de porte, de bois clair, serrure ni argentée ni dorée couleur entre les deux, porte, repousse, porte, sépare, retiens, isole, protège, empêche, porte, tais-toi, ne fais pas de bruit, reste immobile, figée, tapie, porte à la plainte que la nuit démesure, démultiplie, répand dans les oreilles de la chambre sous le lit dans l’étouffé des draps, porte fausse amie qui toujours se laisse ouvrir.  Porte, retiens le corps de l’autre, porte, sépare, porte la main sur la clenche éteins les mots, claque à la gueule, mors une phalange, croque un orteil nu, fais quelque chose, porte qui abdique avant l’heure, brandit le drapeau blanc des traîtres qui ne s’opposeront pas, laisseront passer, ne se mettront pas en travers, se rendront sans livrer bataille, porte poltronne, lâche, porte à fusiller, tandis qu’entrent dans la chambre, prennent possession, pénètrent les troupes ennemies de mots qui fracassent.

 

 

Porte 7 :

Porte de bois avec dans le haut un carré blanc, vitre constituée de bandeaux de glace concaves et convexes en alternance,  opacifiée par traitement spécifique pour qu’on ne voit pas à travers mais qui laissera passer la lumière, et c’est lueur dans l’insomnie de la nuit d’enfance, chambre qui se voudra grotte à l’adolescence, alors sur ce carré vitré en haut de la porte y coller un poster de Julien Clerc, pour repousser l’intrusion parentale, fixer les yeux marrons, le sourire doux, les lèvres charnues, les grandes dents parfaites et la soie de ses boucles longues en cascade ressentie jusque dans ses doigts dans l’excitation amoureuse qui tapisse tout le dedans de réconfort et fera office de rempart. Longtemps.

 

[1] Il y a devant moi sur nos tables d’écriture un amas de petits objets avec pour chacun un morceau de papier cadeau et je suis chargée de les emballer, c’est ainsi que commence mon rêve. Il m’a chargée de cette tâche, pensant que je conviendrais bien. Il a dit quelque chose qui me l’a fait penser et je me dois de ne pas le décevoir. La confiance qu’il m’avait faite surnage, mais c’est la fin du plan. Il a du mal à respirer, assis sur une chaise dans un coin. Peut-être nous tourne-t-il le dos. Depuis la rue regarder la façade de sa maison. Comme un plan différent, on était dedans, nous voilà dehors. Dans le rêve on ne se préoccupe pas du raccord. Une grande porte de garage d’un bleu qui est trop bleu pour la nuit avec quelqu’un qui la fait coulisser, mais dans le mouvement l’intérieur éclairé fortement expose une salle d’autopsie avec des allures de conserverie poissonnerie, à cause des bottes de caoutchouc de ceux qui sont debout au-delà de la table métallique. La maison est poreuse, dehors, dedans, et pas de porte à franchir. J’apprends qu’il est mort. Tristesse et chagrin. Quelque chose a été franchi qui ne permettra pas le retour en arrière. Deux escaliers et poser les pieds sur les marches l’une après l’autre et l’idée saugrenue qu’on ne vit pas assez dans les escaliers, mais dans le rêve c’est juste idée lancinante, on ne vit pas assez dans les escaliers, les murs sont recouverts d’un papier clair à petites fleurs sombres, vivre dans les escaliers, je monte, je me perds, je redescends peut-être, je suis dans une pièce claire aux éclairages d’hôpital et beaucoup de personnes assises sur des chaises dépareillées, un homme vient vers moi, il me dit que je peux rester, me propose quelque chose à boire, j’accepte. Je finis par me rendre compte que je suis dans la partie de la maison réservée à l’accueil de ceux qui ne vont nulle part dans la nuit, ici ils peuvent entrer et s’asseoir, mais moi je viens en visite, pour être avec ceux qui sont tristes, frotter mon chagrin au leur, happer un peu de chaleur, il dit qu’il va prévenir ... son nom m’avait étonné, un prénom peu usité, un prénom qui suffit à poser un personnage de femme, jeune mais pas trop, intrigante, à propos de qui on voudrait en savoir plus, son métier, son enfance, qui partage sa vie, qui elle est par rapport à lui, qui vient de mourir, mais personne n’arrive, il faut se résoudre à se débrouiller seule, je comprends que la maison comporte deux escaliers, il faut pousser des tentures sombres et lourdes d’un tissu de velours qui débordent sur le sol en plusieurs plis, je commence à comprendre par où me diriger, une dame écarte le rideau en face de moi, je sais qu’il s’agit de sa femme, sa beauté est une évidence, je pense à cette phrase, la première chose que je regarde chez un homme c’est sa femme, pour savoir qui il est, avoir une jolie femme, quand l’aspect physique d’un homme tout le monde s’en fout, personne ne s’y attarde, la femme qu’il a à son bras comme une distinction qu’on peut lui envier, est

 

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature
Fendu dans la nuit de mercredi par un vent soufflant à 140km/h

Fendu dans la nuit de mercredi par un vent soufflant à 140km/h

Sur proposition de François Bon, recopier deux fois le texte 3 et noter ce qui vient à l'esprit  ce faisant.

Pour ce texte 5, j'ai choisi de différencier nettement ce qui est strictement le texte 3 initial de ce qui s'est rajouté en recopiant à deux reprises.

https://www.tierslivre.net/ateliers/cycle-autobiographie/

En deux

L’arbre – son nom – sa famille – son espèce et alors tous mêmes feuilles rondes avec ce double renflement du pourtour en face à face et chacune partant de la tige avec sa sœur en parfaite symétrie – eucalyptus – son essence – son huile essentielle et les guérisons possibles – repas préféré des chèvres – sa place -  ce que l’autre lui  a laissé pour déployer ses branches – son tronc principal à 60° à défier les lois de l’équilibre et pousser quand même avec une autre branche principale qui résolument prendra force et puissance pour faire contrepoids, contrebalancer ce qui ne pouvait espérer grandir que tordu, mal foutu, d’une place que l’autre ne lui laissait pas et par deux fois basculer et s’écraser contre le sol et relevé de la main de l’homme. Et pour ses racines c’est pareil s’insinuer en terrain occupé et pour l’édition c’est pareil, écrire et publier c’est pousser ses racines en terrain occupé. Le peu de terre sur la roche de granit phagocyté par celles du voisin plus jeune plus cultivé aux activités plus attrayantes qui aura quelque chose d’intéressant à raconter sur lui sur son métier sur sa vie comme vivre en Patagonie avoir traversé l’Atlantique à la nage qui saura tout sur tout quand en soi juste un grand placard vide avec  une toute petite étagère pour la mémoire à court terme pour un usage courant quand derrière les portes on a fait place nette pour préserver et garder de l’espace, ménager du vide,  et de toutes ses forces s’agripper aux deux portes pour que du dehors ça ne se voit pas. Le ressenti a volé toute la place, les émotions et tous les trucs invisibles qui se passent au-dedans, là où personne ne peut aller voir, et être bien la seule à savoir les branle-bas de combat, les explosions, les fracas, les tranchées qui s’ouvrent sous les pas pour prendre le pas sur la mémoire qui, à espaces réguliers, fait du ménage, nettoyage par le vide comme on fait place nette pour rester fonctionnelle. Et les repousser ou ouvrir une entaille dans la pierre on n’y parvient pas et pactiser un temps pour se frayer un chemin à travers ce qu’on a pu ouvrir de part et d’autre, vers le haut ou le bas, repousser les parois. Comme enseveli vivant, des ongles griffer le couvercle de bois du cercueil, depuis le dedans de celui de Marie-Jeanne. Parler d’elle ou raconter son histoire, c’est griffer les parois de l’oubli à travers le couvercle du temps. Il faut longer le bloc granitique animé par l’espoir que le plus loin sera moins hostile et c’est épuisement par le bas, par le haut, tenir contre le vent d’ouest tandis que le voisin au sud ne protège de rien, le dévie et lui refuse existence. Les questions qui naissent, qui a dévié l’autre qui pourtant faisait figure de protecteur, lui a refusé existence, ces phrases anodines qui s’écrivent juste à décrire la situation réelle d’un fait botanique observable et tout ce qu’on peut lire derrière. Qu’on n’aurait pas pu écrire s’il s’était agi de personnes humaines. S’il semble mieux loti, lui à côté, son écorce pourtant se détache chaque hiver en lambeaux qui se recroquevillent dans ce qui survit de pelouse, grillée l’été, envahie par la mousse l’hiver de trop d’ombre et de pluies trop fréquentes. Parfois un vent du Nord pousse le tordu vers le majestueux, ses branches bruissant viennent effleurer l’autre ce qui affleure effleure qui s’écrit en sous-texte personnel à l’auteur et l’écrire ici ce serait l’exposer à la lumière et le réduire en poussières, quand l’impersonnel ouvrira au lecteur son propre sous-texte qui s’écrit en lui à mesure qu’il lit cette histoire anodine à propos d’un arbre qu’il n’a jamais vu et auquel il aura supplanté le sien propre, connu, aimé, croisé, de son choix et un cinquième texte à la lecture se sera écrit comme demande de pacification, affleure ici le souvenir d’un texte lointain du livre qui porte titre de ce que j’appelle revenir, texte de fiction à propos d’une réconciliation sur l’oreiller comme on dit et c’est vraiment réducteur une telle expression pour dire la main qui se tend subrepticement vers le corps nu allongé loin à l’extrémité du lit double et qui se retirera au moindre mouvement hostile sous le toucher de ses doigts ou poursuivra son exploration prudente et audacieuse avec au-dedans le cœur qui tape et résonne dans le silence de la nuit et un temps on pourrait y croire comme s’ils se donnaient la main, mais ce n’est qu’illusion. Bientôt tombe le vent du nord et tout reprend sa place comme on rentre dans l’ordre des choses, il y a celui qui est venu en premier et le second planté n’a eu de lumière et de terre que ce qui restait. Il y a le texte écrit en premier et celui qui a poussé dans son ombre, dans les strates de l’inconscient, et qui d’habitude ne laisse pas de trace. Alors écrire pour rétablir un certain équilibre, répartir mieux ce que chacun a reçu pour grandir, les remettre en lumière en racontant leur histoire et tant pis si trop d’ombre et de flou, forcer les couleurs, oublier les ombres et leurs parts sombres, et d’un coup d’interrupteur braquer sur eux les projecteurs et pour quelques pages devant la toile noire les faire advenir stars, les faire entrer dans la lumière, ces mannequins d’osier (Patricia Kaas).

Qu’est-ce qui s’écrit, lorsque ça écrit à propos d’un arbre au choix, l’histoire qui se raconte au fond ? Dans le sous-terrain, en sous-main.

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature

Sur proposition de François Bon  dans son cycle l’atelier permanent – Tiers Livre, explorations écriture, j'ai recopié deux fois le texte 3 "A deux" et à la seconde fois tout en retapant le texte, j'ai inclus mes pensées, digressions, réflexions. Dans ce texte-ci, texte 4, j'ai choisi de ne pas distinguer pour des polices différentes le texte d'origine et ce qui en a constitué l'élargissement. J'ai procédé autrement dans le texte 5 à venir.

L’arbre – son nom – sa famille – son espèce et alors tous mêmes feuilles rondes avec ce double renflement du pourtour en face à face et chacune partant de la tige avec sa sœur en parfaite symétrie – eucalyptus – son essence – son huile essentielle et les guérisons possibles – repas préféré des chèvres – sa place – ce que l’autre lui a laissé pour déployer ses branches – son tronc principal à 60° j’aime bien les angles de 60° ou ceux de trente et on peut se demander pourquoi est-ce parce qu’ils sont si faciles à tracer, en deux arcs de cercles c’est fait, il faut juste savoir où planter la pointe sèche, le mot planter étonne placé ici, à défier les lois de l’équilibre et pousser quand même avec une autre branche principale qui résolument prendra force et puissance pour faire contrepoids, comme répartir la charge, balance de pharmacie, ses deux plateaux cuivrés et son coffret en bois pour ranger les poids et les trous pour ceux qu’elle a perdus depuis qu’elle l’a emmenée dans sa classe pour laisser ses petits manipuler, quand manipuler ici c’est pour leur bien, ce qui ne pouvait espérer grandir que tordu, mal foutu, d’une place que l’autre ne lui laissait pas, mais est-ce sa faute à lui, quand tous deux positionnés de la main de l’homme, place assignée aux arbres par l’humain et rarement une bonne idée de laisser l’homme en décider elle m’avait écrit, contrebalancer ce qui ne pouvait espérer grandir que tordu, mal foutu, d’une place que l’autre ne lui laissait pas et par deux fois basculer et s’écraser contre le sol et relevé de la main de l’homme et pour ses racines enfouies c’est pareil, s’insinuer en terrain occupé. Le peu de terre par-dessus la roche de granit qui court tout le long sur cette partie, la roche court quand les arbres emprisonnés dans la terre avec juste le haut échappant à la statique, du village phagocyté par celles de l’arbre voisin et les repousser on n’y parvient pas, force de ce on universel surgi on ne sait d’où, obligé de pactiser un temps, est-ce le temps de l’enfance, pour se frayer un chemin au travers de ce qu’on a pu ouvrir comme pousser les murs, l’image de l’arbre qui prend racines à travers un cadavre enterré dans une forêt et plus beau et plus fort dira l’inspecteur d’avoir une terre nourrie de sang et autres nutriments bénéfiques à sa croissance, parce qu’ouvrir une entaille dans la pierre on n’y était jamais parvenu. Le on ne reviendra plus dans le texte comme on jette l’éponge. Alors il faut longer la paroi granuleuse du granit animé par l’espoir que le plus loin sera moins hostile et c’est épuisement par le bas et aussi par le haut, à tenir contre le vent d’ouest, tandis que le voisin au sud ne protège de rien, le dévie et le nie, lui refuse existence. S’il semble mieux loti, lui à côté, ses feuilles et son écorce sont là pour démentir. D’une forme plus ordinaire ses feuilles d’une couleur plus banale sans la moindre trace de bleu sont tachées de petits boutons de bien mauvais augure. Son écorce se détache en lambeaux qui n’en finissent pas de se recroqueville dans ce qui survit de pelouse, grillée chaque été, envahie de mousse l’hiver, de trop d’ombre et de pluies trop fréquentes. Parfois un vent du nord pousse le tordu vers le majestueux, ses branches bruissant de chuchotements enjôleurs viennent effleurer l’autre comme demande de pacification et un temps on pourrait y croire comme s’ils se donnaient la main, mais ce n’est qu’illusion. Bientôt tombe le vent du Nord et tout reprend sa place comme on rentre dans l’ordre des choses. Revoici l’usage du on, comme nécessaire obligation de revenir à l’universel, arbres et humains. Il y a celui qui est venu en premier et le second planté trop près qui n’a reçu de lumière et de terre que ce qui restait. L’eucalyptus décrit en premier, majestueux, et celui qui pousse dans le peu de lumière restante, dans son ombre, le texte qui s’est écrit. Qu’est-ce qui s’écrit, lorsque ça s’écrit à propos d’un arbre au choix, l’histoire qui se raconte en souterrain, en sous-main. 

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature

A deux.

L’arbre – son nom – sa famille – son espèce et alors tous mêmes feuilles rondes avec ce double renflement du pourtour en face à face et chacune partant de la tige avec sa sœur en parfaite symétrie – eucalyptus – son essence – son huile essentielle et les guérisons possibles – repas préféré des chèvres – sa place -  ce que l’autre lui  a laissé pour déployer ses branches – son tronc principal à 60° à défier les lois de l’équilibre et pousser quand même avec une autre branche principale qui résolument prendra force et puissance pour faire contrepoids, contrebalancer ce qui ne pouvait espérer grandir que tordu, mal foutu, d’une place que l’autre ne lui laissait pas et par deux fois basculer et s’écraser contre le sol et relevé de la main de l’homme et pour ses racines enfouies c’est pareil, s’insinuer en terrain occupé. Le peu de terre par-dessus la roche de granit qui court tout le long sur cette partie du village phagocyté par celles de l’arbre voisin et les repousser on n’y parvient pas, obligé de pactiser un temps pour se frayer un chemin au travers de ce qu’on a pu ouvrir comme pousser les murs, parce qu’ouvrir une entaille dans la pierre on n’y était jamais parvenu. Alors il faut longer la paroi granuleuse du granit animé par l’espoir que le plus loin sera moins hostile et c’est épuisement par le bas et aussi par le haut, à tenir contre le vent d’ouest, tandis que le voisin au sud ne protège de rien, le dévie et le nie, lui refuse existence. S’il semble mieux loti, lui à côté, ses feuilles et son écorce sont là pour démentir. D’une forme plus ordinaire ses feuilles d’une couleur plus banale sans la moindre nuance de bleu sont tachées de petits boutons de bien mauvais augure. Son écorce se détache en lambeaux qui n’en finissent pas de se recroqueviller dans ce qui survit de pelouse, grillée chaque été, envahie de mousse l’hiver, de trop d’ombre et de pluies trop fréquentes. Parfois un vent du nord pousse le tordu vers le majestueux, ses branches bruissant de chuchotements enjôleurs viennent effleurer l’autre comme demande de pacification et un temps on pourrait y croire comme s’ils se donnaient la main, mais ce n’est qu’illusion. Bientôt tombe le vent du Nord et tout reprend sa place comme on rentre dans l’ordre des choses. Il y a celui qui est venu en premier et le second planté trop près qui n’a reçu de lumière et de terre que ce qui restait. Qu’est-ce qui s’écrit, lorsque ça s’écrit à propos d’un arbre au choix, l’histoire qui se raconte en souterrain ?

Texte écrit à l’atelier permanent – Tiers Livre, explorations écriture (François Bon)

 

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature
Variations sur eucalyptus / Texte 2

Texte 2.

Je suis le préféré mais comment en être sûr ? Je suis un des deux, quand nous de même nom de famille. Je suis celui qui est venu après l’autre, celui qui est déjà tombé deux fois, qu’on a relevé à la force des bras. Cela m’a donné énergie pour agripper mieux la terre de mes racines. Le sol n’est pas accueillant, peu de terre sur la roche de granite qui court tout le long des terrains d’ici dans le lieu-dit du Rocher. Mais dans cette partie-ci, c’est pire encore. La roche hostile repousse le vivant de mes racines et la terre est déjà occupée par celles de mon voisin. Aux alentours pourtant survivent des arbres fruitiers qui donnent de belles récoltes et tout l’été ça se laisse cueillir, dénoyauter, éplucher, émincer, cuire, congeler ou mettre en conserve. Rien ne doit être perdu. Ce qu’on offre aux autres, c’est ce qui est déjà au sol tout autour de l’arbre fruitier, un peu mangé par les vers ou trop avancé, au potager tout ce qui est monté ou trop gros, vraiment le surplus du surplus quand on n’en peut plus d’engranger pour l’hiver avec toute la préparation que ça nécessite. Mais nous, les eucalyptus, on ne donne rien. Même si on se laisse un peu dévorer, quand les biquettes sorties de l’enclos sont mises au piquet et que le soleil et la roche s’y sont mis à deux pour dessécher l’herbe. Nous ne risquons rien, elles ne peuvent menacer notre existence malgré leur appétit démesuré. Nous sommes doté d’un moyen infaillible pour calmer ses gourdes qui pourraient manger jusqu’à exploser : nous  sécrétons et envoyons une substance qui rend nos feuilles toxiques si elles s’attardent. Et très vite elles vont voir ailleurs, enfin lorsqu’elles ne sont pas au piquet. Peut-être est-ce la raison pour laquelle subitement elles s’en prennent à notre tronc, arrachent de leurs dents des lambeaux énormes, il suffit que Madot soit occupée ailleurs, parfois même elles nous défient de leurs cornes, croyant nous faire reculer, ces bécasses, elles foncent tête baissée aussi fort qu’elles peuvent. Bourrins, c’est dans leur gêne. Inébranlable, c’est dans les nôtres. Je suis pourtant et resterai le second. Alors que le premier a été choisi pour le son harmonieux du vent dans son feuillage, je n’ai été planté que pour servir à fixer l’autre extrémité du hamac. Mon rôle est strictement utilitaire et je le regrette. D’autant que je suis le plus beau spécimen des deux, d’une variété prisée par les fleuristes avec des rameaux droits et rigides d’une couleur bleutée. Ses feuilles à lui sont allongées et assez communes, moins bleues, quand les miennes forment de parfaites corolles plantées en face à face et par deux suivant des plans parallèles à celui du ciel. Je suis certain d’être le préféré. J’ai tout mon temps pour m’interroger. Je bruisse et me demande si c’est dû à mon côté précaire. J’oscille tout en réfléchissant. A cause aussi du drame anticipé qui auréole mon existence. À tout moment, je risque d’être emporté. Et malgré tout ce que je fais peser sur la maisonnée comme menace, je reste serein. Je bruisse et ondule et construis et fortifie mon tronc second pour tenter de rétablir le déséquilibre inhérent à ce côté penché dont je n’ai pu me débarrasser durant toute mon évolution. J’abrite oiseaux et humains, guêpes de passage, gouttes de pluie, je défie les lois de l’équilibre et joue à ne tenir qu’à un fil. Je bruisse et me balance et protège apportant ombre aux corps allongés à mes pieds qui attendent la fin de la canicule. Je suis le porteur de fraicheur comme d’autres sont le porteur d’histoires. Je suis le préféré comme l’est toujours le plus gringalet des enfants, le plus chétif, celui dont la mère a craint pour sa vie dès sa venue au monde, ou celui mort prématurément. Je suis le préféré, mais après ma chute, personne ne se souviendra de moi. C’est ainsi qu’il en va pour nous les arbres, contrairement aux enfants de l’homme, qui restent dans les mémoires longtemps après leur disparition.

C’est un texte qui fait écho à l’existence de Marie-Jeanne, morte si jeune et dont les parents ont préservé la mémoire. Il y a toujours un sens caché à ce qui s’est écrit à notre insu et relire un peu plus tard c’est comme mener sa propre enquête sur ce qui peut être révélé caché derrière les mots qui ne sont que des indices d’une histoire écrite en sous-main.

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Publié le par Anne Dejardin
Publié dans : #littérature

 

 

 

 

 

 

Ces cinq textes se sont écrits suite à une proposition de François Bon à l’atelier permanent Autobiographies. J’en publierai un chaque jour comme mise à l’honneur de celui que le vent de mercredi soufflant à 140km/h a fendu.

l’atelier permanent – Tiers Livre, explorations écriture​​​​​​​

Texte 1.

Je suis un des deux, celui venu après, pour attacher le hamac, le faire tenir entre nous deux il fallait, quand le premier c’était juste pour le bruit du vent dans son feuillage et de suite pour moi c’est assignation moins glorieuse. Plantés trop près forcément, pour le bien-être de l’homme, et c’est au détriment de notre épanouissement, voire de ma survie. Imprévoyant à ce que nous deviendrions. Inattentif, égocentrique. Tel est l’humain, à s’approprier tout ce qui l’entoure. J’ai été celui qui tombe, rebelle à ce lieu d’implantation. Espoir de lui faire ouvrir les yeux, de lui donner une chance de m’éloigner un peu. Je suis celui dont les racines rechignaient à s’agripper à la terre. J’ai fini par les pousser aussi fort que je pouvais dans le peu de terre qui recouvrait la roche granitique, là où tout était occupé par celles de l’autre à côté. Deux eucalyptus certes, mais de familles différentes. Mes feuilles sont parfaitement rondes et plantées en corolles. Je suis de l’espèce que convoitent les fleuristes avec des rameaux rigides et droits, d’un vert bleuté très prisé. Pour m’élever malgré la proximité de l’autre, il a bien fallu pencher. Ensuite faire grandir un second tronc pour contrebalancer. Mais même ainsi mon équilibre est précaire. J’ai beau être le préféré, je reste celui qui ne peut cacher qu’on ne lui a pas fait la place, celui qui porte ancrée sa chute probable dès l’implantation et malgré avoir déjà été sauvé deux fois, je m’écraserai sur la maison, transperçant le toit d’ardoises grises et les corps couchés dans les lits à l’étage. Si la tempête me fait capituler, tenir au moins jusqu’au matin comme la chèvre de Monsieur Seguin, le temps du réveil avec les chambres naturellement vidées de leurs occupants. Tenir, c’est la force morale des plus grands d’entre nous. Je suis de ceux-là, revendiquent mon appartenance. Peu de latitude pourtant pour infléchir le cours des choses, pour survivre ou se défendre. A part ceci peut-être : mes feuilles comme celles de mes congénères peuvent devenir toxiques, si des chèvres ou autres pachydermes s’acharnent à dévorer notre feuillage et ça les oblige à ne se sustenter que du nécessaire. Dressées sur leurs sabots arrière leurs cous tendus vers mes feuilles qui tentent de leur échapper elles se prennent pour des danseuses faisant des pointes, leurs panses lourdes comme ayant perdu densité, elles frisent une sorte d’élégance. J’aime moins quand elles s’attaquent à mon tronc. Des dents et parfois des cornes, tel le taureau visant le matador jusqu’à ce que poigne humaine les emmène ailleurs. Je suis de la race des assignés à résidence.

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